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Je vous invite à découvrir le texte écrit par une grande collectionneuse et critique d'art, Jeanine RIVAIS pour décrire mon travail. (Merci encore pour ce beau texte !)

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Son site internet : https://www.rivaisjeanine.com/

SVETLANA RASTO,

Créatrice de figures humanoïdes et animalières

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« De l’or ! De l’or ! De l’or ! De l’or ! Jaune et brillant, dur et froid ! »

Thomas Hood (1799 – 1845)

 

            Dès sa prime jeunesse, en Russie, Svetlana Rasto a aimé dessiner. Puis, élève des Beaux-arts de Moscou, elle s'est adonnée à la peinture. Mariée, elle a beaucoup bourlingué entre la Russie, Cuba, et enfin la France où elle a posé ses bagages.

 

            Est-ce un brin de nostalgie ou de solitude qui l'a amenée très vite à s'entourer de poupées, les unes en papier mâché, les autres en céramique, représentant des animaux humanisés, marchant sur leurs deux pattes  postérieures, cochons, lapins, coqs… qui roses et gras élégamment cravatés, qui vêtus d'un costume de marin en goguette, qui s'égosillant… tous prenant la pose auprès des humains.

Les humains. Pour lesquels étaient rassemblés tous les aspects de la vie adulte (personnes dans leurs activités quotidiennes, musiciens, chanteurs, simples promeneurs, sans oublier une magnifique Fanny aux longs cheveux frisés, robe froufroutante, déployant pour l'éternité son adorable postérieur…

Mais l'essentiel de sa création, c'était la famille qu'elle était si boulimique de faire prospérer, qu'elle ramassait pour l'en décorer tous les objets lui tombant sous la main ! Simple couple, avec (tout de même) une poupée à ses pieds, homme et femme côte à côte, suggérant qu'ils sont à égalité… Ce qui ne laisse pas de surprendre, parce que, dans la famille composite, proposant trois générations en sept membres, seules les femmes avaient droit de cité… De même pour celle qui était entourée de sa multiple progéniture dont le ou les mari(s) était (ent) irrémédiablement absent(s) !!

Petite pointe de nostalgie, aussi, peut-être, du fait que, si la plupart des femmes semblaient avoir adopté la mode occidentale, certaines avaient néanmoins conservé le sarafane, la somptueuse chapka ou la tiare de la tsarine… et les hommes (car il y en avait quelques-uns !) étaient vêtus d'une casaque dûment ceinturée, l'accordéoniste avait enfoui dans ses bottes les jambes bouffantes de son pantalon, etc.

 

Les années ont passé. Les poupées sont devenues sculptures.

 

La création de Svetlana Rasto est devenue résolument baroque du fait de son caractère obsessionnel et non-conformiste. Mais si, de cet imaginaire culturel excessif, elle corrobore son goût pour l’ornementation paroxystique en collant à l'infini perles, saynètes, chiens, pierres naturelles, fleurs en tissu ou en celluloïd, colliers, etc., tous ces éléments vont chez elle jusqu’à la manie picturale, car tout doit être absolument en place pour que l'œuvre soit, à son goût, harmonieuse ! Si elle orchestre sur chaque "corps", de savantes chorégraphies picturales  et sculpturales, d’une richesse et d’une profusion inouïes de détails ; si l’affluence de sa flore et de ses petits baigneurs ou simplement leurs têtes y créent une sorte de cohabitation inusuelle et sophistiquée ; si, par cette exubérance visuelle,  elle semble même entrer de plain-pied dans les définitions de l’art “rococo”, en revanche rien dans son oeuvre n’en rappelle les chromatismes délicats : car l’univers sculptural polychrome de Svetlana Rasto propose un ruissellement de couleurs violentes, de plages de rouges carminés ou vermillon, de bleu turquoise, de violines que l’artiste conjugue jusqu’à obtention d’une irisation idéale à ses yeux... Le tout rehaussé de médaillons et autres camées, "d’or" et "d’argent" à profusion, inondé de lumière électrique qu'elle fait onduler sur le support de ses oeuvres, au point que le visiteur interloqué se demande comment il a pu se laisser fasciner par une création aussi aberrante !

            Mais un décor tellement kitsch ne peut laisser indifférent : à son corps défendant, ce visiteur revient, se laisse séduire par la volonté manifeste de l’artiste d’étonner, éblouir, créer l’illusion, jouer des contrastes, des éclairages, des effets de masse ; bref, à travers la théâtralité statique de ses compositions, démontrer son besoin d’évoluer au sommet de l’emphase, assumer allègrement son goût du bizarre, de l’étrange, de ses personnages ou animaux hors du vraisemblable.

            Tout cela, petit. Travail intime, de grande implication, où l’œil de l’artiste est proche du support sur lequel elle déploie les aléas de son "récit" : les yeux dans les yeux, en somme, avec la protéiformité de ses créatures ! Des êtres féminins jamais réalistes, comme un dormeur décrirait incomplètement les personnages de son rêve : des femmes suffisamment mutines et provocatrices pour conforter la complicité de l’artiste avec elle-même. Car tant de passion ne saurait être vaine ! Et c’est la force de Svetlana Rasto de ramener vers ses œuvres quiconque s’en serait détourné*, l’obliger paradoxalement à admirer ses créations ;  à en venir par une pirouette psychologique consciente ou non, à respecter ce délire miniaturisé, ce triomphe de l’abondance  ! Car sous l’apparente outrance volontaire, s’impose l’idée que pareille oeuvre, élaborée sur plusieurs années, ne peut être que la concrétisation des fantasmes d’une visionnaire ! De rêves où quelque orfèvre un peu fou aurait agencé perle à perle, pétale à pétale... les milliers de fleurs, nacres… de ces créations épousant strictement les formes voluptueuses des femmes aux bouches et aux yeux lourdement maquillés, masqués parfois.

 

Car, Svetlana Rasto semble indéfiniment satisfaire son imagination pétulante, en déclinant en toutes couleurs, tous aspects, ses créatures. Et il y a finalement, de la part du spectateur déjà évoqué, une sorte de jubilation à l'imaginer toujours, le nez collé dessus, déployant son imagination pour les embellir, les piqueter d'infimes pointillés, les agrémenter de mille constellations minuscules, les fleuronner, les incruster, les ornementer en somme... Une imagination où le plaisir de la trouvaille et de l'ajout garantit la sérénité de la  créatrice, où l’obsession du merveilleux génère une personnalisation hors-les-normes, une singularité irréductible à toute dénomination déjà connue !

Jeanine RIVAIS

Courson-les-Carrières juillet/août 2019.

*Le risque de semblable surabondance est que certains visiteurs le trouvent (pour parler populaire), "trop chargé" !

 

VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS: Site : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS, BANNE 2013.

Et TEXTE DE JEANINE RIVAIS : " CREATRICE DE FIGURES HUMANOÏDES ET ANIMALIERES ". http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique festivals banne 2019.

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